THE GLOBE AND MAIL
Aider la recherche en santé à
continuer
Jeudi 27 septembre 2007 - Page L1 Le Prix international de
la recherche en santé Henry G. Friesen est en train de rapidement devenir l'un
des plus grands honneurs au Canada - l'équivalent d'un Oscar pour l'ensemble
de la carrière pour les sciences de la santé au Canada. Le premier lauréat était
Joseph Martin qui, après une enfance modeste dans une collectivité mennonite
rurale en Alberta, est devenu un neurobiologiste de renommée mondiale et le
doyen de la Faculté de médecine d'Harvard. Le second lauréat,
annoncé la semaine dernière, est John Evans, éducateur visionnaire et chef de
file du milieu médical et de l'action humanitaire pendant les 35 dernières
années. Alors qu'il était doyen
fondateur de l'école de médecine de l'Université McMaster, le Dr
Evans a révolutionné l'enseignement de la médecine. Le modèle qu'il y a introduit
pour l'enseignement, après avoir fait l'objet de moqueries au départ, a été
adopté par la Faculté de médecine d'Harvard. Dr Evans a été
directeur fondateur du
Service de la population, de la santé et de la nutrition de la Banque
mondiale où il a lancé des programmes que l'on utilise encore à travers le
monde. Dans le milieu des
affaires, il a fondé Allelix Inc., la première entreprise de biotechnologie
au Canada. Il a également été
président de Fondation Rockefeller, président de l'Université de Toronto et
directeur de l'Institute for Clinical Evaluative Sciences et de la Fondation
canadienne pour l'innovation. Aujourd'hui, Dr
Evans est président de Torstar Corp. et du Centre de la découverte MaRS, une
société sans but lucratif qui réunit des universitaires, des scientifiques et
des gens d'affaires dans le but de faciliter la commercialisation de la science
au Canada. Mais assez parlé de son CV. Les idées du Dr
Evans sont plus intéressantes que ses réussites passées, en particulier ses
idées sur la recherche en santé. Il les a présentées avec éloquence dans son
discours de remerciement pour le Prix Friesen. On ne peut rendre justice
dans un court résumé à son discours d'une heure, véritable tour de force que
les chercheurs, les responsables des politiques et leurs chefs politiques
feraient bien de lire, mais soulignons quand même quelques moments forts. Le Dr Evans a ardemment
milité pour le soutien pour la recherche, bien avant que cela soit à la mode,
mais il ne se contentait pas de toujours réclamer plus. Il fait observer que nous
vivons à l'âge d'or de la recherche au Canada - ce qui est tout à son
honneur. Ces dix dernières années,
on a assisté à une augmentation spectaculaire du financement et à la création
d'une multitude d'organismes de financement - les Instituts de recherche en
santé du Canada, la Fondation canadienne pour l'innovation, Génome Canada et
la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, pour ne
citer que ceux-là - ce qui
« a fait des centres de recherche du Canada des endroits remarquables où
mener des recherches en santé. » Ottawa investit à présent
plus d'un milliard de dollars par an juste dans la recherche en santé. Si les gouvernements
veulent des résultats, il faut que le soutien soit maintenu, met en garde le Dr
Evans. « Il serait tragique que l'incertitude quant à l'engagement
continu du gouvernement envers la recherche vienne saper le moral et ralentir
l'élan », dit-il. Le Dr Evans ne
mâche pas ses mots pour rappeler aux scientifiques que, plus ils reçoivent
d'argent de l'État, plus ils seront surveillés de près et plus les attentes
seront grandes. « Les gouvernements exigeront
davantage de comptes, une approche concertée des divers organismes fédéraux,
un lien avec les priorités nationales et provinciales, des retombées
économiques et sociales et des innovations dans les procédés de
recherche », dit-il. Autrement dit, il ne
faudrait pas tenir pour acquis le soutien pour la recherche. Le Dr Evans exprime
ce que de nombreux scientifiques qui dépendent de subventions n'osent pas
dire tout haut - les organismes subventionnaires doivent revoir leur
approche. Si l'on simplifie, il y a trop d'organismes différents, les
formalités administratives sont beaucoup trop lourdes et le processus de
distribution de l'argent au compte-gouttes est trop politisé. Il fait observer que les
meilleurs chercheurs au Canada semblent passer autant de temps à préparer de
multiples demandes de subventions qu'à faire de la recherche, et c'est
terriblement mauvais. Les organismes
subventionnaires, dit-il, doivent « promouvoir les innovations, les
économies et la facilité d'utilisation ». En même temps, le
financement de la recherche devrait être mieux ciblé, en privilégiant plus
particulièrement les domaines dans lesquels le Canada excelle, comme la
recherche sur les systèmes de santé. S'il est partisan du
système d'assurance maladie à payeur unique actuel, Dr Evans note
que les monopoles provinciaux
isolent l'« industrie de la santé » des pressions normales
qui existent sur un marché compétitif et que les améliorations de la
productivité et des innovations en ont pâti. La réponse n'est pas une
privatisation à l'aveuglette, mais plutôt un investissement dans la recherche
pour parvenir à une efficacité et une qualité accrues, dit-il. L'exemple le plus
flagrant de cette incapacité de progresser avec son époque est bien sûr le
fait que l'on n'ait pas de dossiers électroniques de santé au Canada et le Dr
Evans formule quelques propos cinglants à ce sujet : « Les soins de
santé sont la plus grande industrie du savoir au Canada. Le fait qu'elle sera
la dernière à être numérisée dépasse l'entendement. » La vision d'avenir du Dr
Evans pour les soins de santé et la recherche en santé n'est pas
d'envergure nationale, mais mondiale.
Il faut au moins le mentionner en passant pour tenter de lui rendre justice. « La santé dans les
pays les plus défavorisés est à la fois notre plus grand débouché et notre
plus grande obligation morale à l'échelle mondiale », dit-il. Pour que la recherche en
santé puisse avoir une incidence bénéfique, chez nous et à l'étranger, il
faut de l'argent ainsi qu'un engagement durable. Mais « LE
déterminant le plus important de la réussite dans la recherche et dans sa
gérance continuera d'être des gens de talent », souligne le Dr
Evans. Des leaders comme John
Evans, leader parmi les leaders. |